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Annus Horribilis

En d’autres termes, le précepte immémorial de l’équilibre du portefeuille, qui veut que les obligations amortissent les éventuelles pertes sur les actions, s’est avéré inopérant en 2022.

L’année écoulée a été émaillée de vifs débats concernant l’analyse généralement admise selon laquelle, depuis une dizaine d’années, les grandes banques centrales ont abaissé le coût de l’argent, à savoir les taux d’intérêt à court terme, jusqu’à des niveaux perçus comme artificiellement faibles, et qu’elles y sont parvenues en suivant une politique « inepte », dite d’« assouplissement quantitatif », qui est aujourd’hui (heureusement) révolue. Or, en 2022, l’heure des comptes a sonné, pour reprendre les termes des analystes restés sceptiques des années durant face aux hausses marquées des cours des actions. Rares étaient ceux qui en avaient conclu que les marchés obligataires orientaient les politiques des banques centrales plutôt que l’inverse.

Les causes de la brutale résurgence de l’inflation dans le monde entier constituent un autre sujet de débat. Selon certains observateurs, les tensions inflationnistes étaient perceptibles bien avant l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. D’autres, qui ont depuis longtemps remarqué les ambitions impérialistes du dirigeant russe et son projet d’utiliser l’énergie comme une arme, le moment venu, avancent qu’il a choisi d’envahir l’Ukraine lorsque les tensions inflationnistes ont commencé à se manifester. À cet égard, Vladimir Poutine a réussi à tromper un grand nombre d’observateurs et, plus important encore, les dirigeants des pays européens fréquemment dépendants à l’égard de la Russie, au premier rang desquels l’Allemagne d’Angela Merkel, qui en paye aujourd’hui le prix.

Lorsque les cours des obligations à long terme ont amorcé leur chute vertigineuse, les premières victimes ont été les actifs à long terme, notamment les entreprises quality growth, devenues des cibles de choix. La valorisation des actions de ces sociétés a connu le même sort que celle des titres à forte coloration technologique dits de croissance, dont les cours avaient fortement augmenté en raison des perspectives de bénéfices futurs malgré, bien souvent, l’absence de bénéfices et des niveaux d’endettement très élevés. Même parmi les valeurs technologiques, aucune distinction n’a été établie entre les titres de croissance et les sociétés quality growth, dont les caractéristiques et les constituants sont régulièrement analysés dans nos newsletters. La caractéristique de perpétuité de ces sociétés ainsi que la question des sources de création de la valeur à long terme ont été ignorées par les investisseurs qui ont cherché à tirer parti de la dynamique baissière de toutes ces valorisations.

Alors que cette annus horribilis touche à sa fin, nous observons un apaisement des tensions inflationnistes et un fléchissement des anticipations d’inflation. Les prix de l’énergie ont reflué, les coûts des intrants ont baissé dans de nombreuses grandes économies, les hausses des salaires n’ont toujours pas atteint les niveaux annoncés par les plus défaitistes, et les contraintes d’approvisionnement se sont considérablement atténuées par rapport aux périodes de saturation qui voyaient les ports du monde entier assaillis par des centaines de navires.

C’est ce qui expliquerait que les rendements obligataires, après avoir atteint leurs niveaux les plus élevés il y a deux mois, ont retrouvé des niveaux qui, selon les observateurs pessimistes, représentent toujours un rendement réel négatif. Pour leur part, les optimistes considèreront que la trajectoire et la vitesse d’évolution de l’inflation et des rendements obligataires à long terme sont probablement plus importantes que leur niveau absolu, quel que soit le rendement actuel en termes réels.

De nombreux investisseurs ont depuis un certain temps tourné le dos aux marchés boursiers, cherchant refuge sur les marchés du capital-investissement ou de la dette privée. L’absence de cours quotidiens pour ces investissements élimine les inquiétudes ressenties par les investisseurs classiques lorsqu’ils réévaluent leurs avoirs au cours du marché. (Cependant, l’absence de liquidité et de double cours quotidien peut instiller un faux sentiment de sécurité et s’avérer n’offrir qu’une protection illusoire.) La confiance s’établissant à un niveau très bas en cette fin 2022, les investisseurs se retirent des marchés, passant outre la faiblesse des cours des actions ou l’absence de liquidité. Dans le même temps, le rôle important dévolu aux « banques parallèles », en grande partie non réglementées, pourrait être la prochaine bombe à retardement en cas d’afflux massif d’investisseurs institutionnels attirés par le capital-investissement et la dette privée.

La liquidité du marché est un sujet complexe. Cela étant, il y a quelques mois, lorsque les rendements obligataires mondiaux étaient au plus haut et que la valeur externe du dollar américain, lié à sa dimension de valeur refuge, atteignait des sommets, le risque d’une crise de liquidité était élevé. Une telle crise aurait affecté les pays émergents présentant des niveaux élevés de dette libellée en dollars et qui ne sont pas des producteurs de matières premières, telles que le pétrole et le gaz, à même de renflouer leur trésorerie. Toutefois, comme bien souvent sur les marchés financiers, ce qui devait se produire finit par arriver. C’est donc sans grande surprise que le dollar américain a faibli, s’inscrivant sur une trajectoire de baisse toujours perceptible en cette fin d’année.

La question qui reste en suspens est celle de savoir qui a raison. Les banques centrales ont multiplié les déclarations sur le fait qu’elles feraient le nécessaire pour maîtriser l’inflation alors même que les rendements obligataires ont cessé d’augmenter et inversé leur tendance. Même les effets de la récente décision surprise de la Banque du Japon semblent s’estomper. Néanmoins, l’approche adoptée par l’institution nippone et son attitude défensive à l’heure de justifier sa décision montrent bien qu’un dysfonctionnement temporaire du marché conjugué à un resserrement des liquidités confère aux déclarations des banques centrales une importance accrue au regard de leur influence dans des conditions normales de marché.

Il semble qu’il y ait une divergence d’opinions entre les marchés obligataires et les banques centrales dans laquelle les traditionnels redresseurs de torts des marchés obligataires, qui étaient à l’œuvre au début de l’année, ont quitté la scène. Or, l’une des deux parties a nécessairement tort, et tant que les divergences d’opinions resteront importantes, les attentes (et les espoirs) du marché pour l’avenir le seront aussi.

Si « ce qui devait se produire finit par arriver » sur les marchés financiers, les caractéristiques des sociétés de croissance de qualité s’imposeront tôt ou tard et seront prises en compte dans le cours de leurs actions. La notion de perpétuité revêt une importance capitale, tout comme la prise de conscience que les flux financiers à long terme, ceux attendus entre la cinquième et la dixième année, voire au-delà, seront les principaux moteurs de la performance du cours d’une action. Ces sujets seront analysés plus avant par notre équipe d’investissement dans ses prochains articles.

Pour l’heure, je présente à tous nos lecteurs mes meilleurs vœux de réussite pour cette nouvelle année 2023.

P. Seilern,

Le 30 Decembre 2022

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