Nous écrivions en début d’année que 2025 s’annonçait mouvementée, compte tenu de l’incertitude quant aux politiques que la nouvelle administration américaine poursuivrait, leur succès éventuel et la réaction des marchés une fois appliquées. Les cent premiers jours du mandat Trump 2.0 n’ont pas déçu à cet égard. Il a signé plus de décrets que tout autre président moderne, supervisé la plus forte baisse du dollar en cinquante ans et présidé une chute de la bourse rivalisée seulement par celles sous Nixon et Ford, remontant jusqu’à JFK en 1961.
Il a bien entendu battu un autre record en cent jours : celui des recettes douanières perçues par le gouvernement fédéral. Plus de 40 milliards de dollars ont été collectés depuis son investiture, un chiffre qui devrait encore augmenter à l’issue de la suspension de 90 jours annoncée lors des turbulences de marché du mois dernier.
La question des tarifs douaniers constitue un véritable casse-tête pour les investisseurs. D’un point de vue macroéconomique, l’éventail des résultats possibles est large — et il est loin d’être évident de savoir quel scénario est le plus probable. À l’échelle microéconomique, les effets varient considérablement en fonction du modèle économique et de l’exposition de chaque entreprise. Selon nous, les sociétés « quality growth » sont généralement bien armées pour résister aux effets les plus délétères des tarifs. Ce mois-ci, nous examinons à la fois les perspectives macroéconomiques et microéconomiques, avant de conclure par une analyse de l’exposition des fonds Seilern aux tarifs douaniers.
Inflation, récession… ou les deux ?
L’environnement économique actuel est complexe, centré sur l’impact des nouveaux tarifs douaniers massifs instaurés plus tôt ce mois-ci aux États-Unis. Le consensus, et surtout la crainte qui domine les marchés, penche vers un scénario de stagflation aux Etats-Unis.
L’explication est simple. Les tarifs sont en réalité une taxe sur les importations, qui gonfle le coût des marchandises. Si certaines entreprises peuvent absorber ce coût, au détriment de leurs marges, il est probable qu’une majorité le répercute sur les consommateurs, entraînant ainsi une inflation classique par les coûts.
L’augmentation des prix a pour corollaire une baisse du pouvoir d’achat réel, ce qui peut ralentir la croissance. Une baisse de la consommation peut ensuite pousser les entreprises à réduire leurs investissements, leurs embauches et leurs plans de croissance. Dans ce scénario, l’économie se retrouverait prise en étau entre une inflation persistante et une croissance en berne : la stagflation.
Cela dit, le consensus macroéconomique s’est souvent trompé par le passé. Il suffit de s’adresser aux 85 % d’économistes qui prévoyaient une récession américaine en 2023,1 ou aux responsables de la Fed qui tablaient encore sur une croissance soutenue en 2008.2 Toute évaluation de l’impact des tarifs doit donc tenir compte des nombreux arguments crédibles remettant en cause les hypothèses sous-jacentes aux scénarios inflationnistes et récessionnistes.
Contre une inflation durable, plusieurs éléments jouent. Les entreprises peuvent absorber les surcoûts, interrompant ainsi le mécanisme de transmission. L’effet inflationniste pourrait aussi être exagéré du fait que seuls quelques biens sont concernés, dans une économie dominée à 75 % par les services. Si la consommation devait fortement ralentir, cela pourrait même provoquer des forces déflationnistes qui viendraient compenser l’effet des tarifs. Enfin, on ignore encore combien de temps ces mesures resteront en vigueur — ou si elles pourraient être annulées en cas de pénuries ou de fort ralentissement.
Prédire laquelle de ces dynamiques prévaudra à court terme est extrêmement difficile. À plus long terme, l’exercice est encore plus périlleux. Même si des entreprises sont contraintes de réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement, cela prendra des années, voire des décennies. Des clusters industriels entiers devraient déménager, et certaines situations de monopole comme celle de TSMC pour les puces électroniques de pointe devront être résolues.
Et cela avant même d’évoquer les pressions déflationnistes en Europe et en Chine, les tensions géopolitiques en Ukraine, à Taïwan, au Moyen-Orient ou dans l’Arctique, ou encore les implications des mouvements du dollar et du marché obligataire américain. Tous ces facteurs augmentent encore l’incertitude. Jamais le nombre de variables à prendre en compte n’a été aussi élevé pour un directeur financier analysant les taux de rentabilité interne de ses projets mondiaux.
Garder la tête froide
Pour l’investisseur « quality growth », la question est de savoir comment s’adapter à ce climat d’incertitude accrue. Depuis 35 ans, nous restons fidèles à notre philosophie centrée sur les sociétés « quality growth ».
Nous sélectionnons ces entreprises justement parce qu’elles traversent les cycles, limitant ainsi le nombre de décisions d’investissement dépendant de prévisions macroéconomiques. Nous privilégions les modèles économiques dotés de caractéristiques structurelles fortes : capacité à répercuter les coûts sans perdre en demande, marges brutes élevées qui amortissent l’impact de l’inflation, niveaux d’endettement faibles réduisant le risque face à une hausse des taux ou à des chocs déflationnistes. Ces qualités sont des piliers de résilience.
En pratique cependant, nous devons analyser les effets possibles sur les entreprises en portefeuille, qui ne sont pas toutes totalement à l’abri. Il convient d’abord de souligner que nos fonds sont majoritairement investis dans des entreprises de services, a faible intensité capitalistique. Seilern World Growth est investi à environ 60 % dans des secteurs comme les logiciels, l’analyse de données ou les services de paiement ; pour Seilern America, cette proportion atteint 70 %. Bien que des mesures de rétorsion non tarifaires restent possibles — telles que taxes sur les services numériques, restrictions réglementaires ou d’accès aux marchés —, ces sociétés sont moins exposées aux tarifs classiques.3
Mesurer les tarifs
L’exposition des entreprises produisant des biens dépend d’une variété de facteurs. Nous avons classé celles-ci en trois groupes: exposition faible, modérée ou élevée.
Lors de l’annonce des tarifs début avril, environ 21 % du fonds Seilern World Growth avaient une exposition faible. Ces entreprises réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires aux États-Unis et y disposent aussi d’une base industrielle solide. Idexx Laboratories, fabricant de machines et tests de diagnostic vétérinaire, en est un bon exemple. Bien que 65 % de ses ventes proviennent des États-Unis, la majorité de sa production s’y trouve également, et moins de 1 % de ses ventes sont réalisées en Chine. L’impact des tarifs sur Idexx est donc limité.
Un autre 12 % du portefeuille présentait une exposition modérée. Ces sociétés présentent un déséquilibre plus marqué entre zones de vente et de production, mais compensé par leur position dominante, leur capacite à augmenter leurs prix et leurs marges élevées. Hermès, fabricant de maroquinerie de luxe, produit presque exclusivement en Europe tout en vendant largement aux États-Unis et en Chine. L’entreprise a déjà indiqué qu’elle répercuterait intégralement les coûts induits par les tarifs, illustrant la solidité de son «pricing power ».
Enfin, deux sociétés représentant 7 % du fonds présentaient une exposition élevée. Leur base de production et leur source de revenus sont fortement désalignées, et leur flexibilité de production plus limitée. Intuitive Surgical, leader de la chirurgie robotisée, a d’ores et déjà anticipé un impact de 1.7 % de base sur ses marges brutes, en raison des droits de douane appliqués aux importations depuis ses usines situées hors des États-Unis. Ses marges avoisinant 70 %, cette pression reste néanmoins gérable. Nike fait face à une situation plus difficile : 36 % de son chiffre d’affaires provient des États-Unis, mais la majorité de ses produits est fabriquée en Asie du Sud-Est et en Chine, des régions visées par les droits de douanes. Combiné à des marges brutes plus faibles (45 %) et une stratégie récente de réduction des stocks, cela limite sa capacité à répercuter les hausses de coûts. C’est la conjonction de ces facteurs qui nous a finalement conduits à céder notre position.
Rester fidèle à notre cap
Le contexte actuel est incontestablement difficile. Les forces macroéconomiques, l’incertitude politique et les tensions géopolitiques obscurcissent les perspectives. Pourtant, c’est précisément dans ce type d’environnement que notre philosophie d’investissement prend tout son sens. Plus le monde devient incertain, plus il est crucial de s’appuyer sur des entreprises résilientes, capables non seulement de résister, mais aussi de tirer parti de la volatilité.
Notre objectif reste inchangé : identifier et détenir des entreprises d’exception capables de consolider leur position de marché en période de turbulence. C’est ainsi que nous entendons rester fidèles à notre mission : offrir les fonds « quality growth » les plus constants du marché, quels que soient les 1361 prochains jours.
1Enquête du FT et de la Chicago Booth School of Business, décembre 2022
2Transcription de la réunion du FOMC, juin 2007
3Le gouvernement américain, par exemple, a interdit la vente de semi-conducteurs avancés et d’équipements de fabrication de puces aux entreprises chinoises — un embargo technologique de pointe en tout sauf le nom.
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