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Surmonter Le Problème D’agence

Les entreprises, en particulier celles cotées en bourse, sont confrontées à un défi unique résultant de la différence entre gestion et actionnariat. Si les dirigeants sont responsables des activités quotidiennes, ils agissent généralement en tant qu’agents des propriétaires et ne détiennent pas toujours d’actions. Les dirigeants doivent automatiquement agir dans le meilleur intérêt des actionnaires. Cependant, un système structuré est nécessaire pour s’assurer qu’ils privilégient les objectifs collectifs de l’entreprise plutôt que leurs ambitions personnelles. Pour contourner de telles difficultés, il est impératif d’établir un cadre favorable à la création de valeur à long terme pour les actionnaires. Communément appelé gouvernance d’entreprise, ce cadre définit la manière dont les entreprises sont gérées et contrôlées afin d’optimiser cette valeur pour les actionnaires, tout en respectant les principes éthiques et en tenant compte des intérêts de toutes les parties prenantes. Cela nourrit la confiance, favorise une conduite responsable des activités et limite les conflits d’intérêts. Dans cet article, nous nous intéressons au « problème d’agence », en clair au conflit qui peut se développer entre un propriétaire et un agent, et qui se rapporte à la fois à la direction et au conseil d’administration.

Le conseil d’administration est l’élément clé de cette structure, faisant le lien entre propriétaires de l’entreprise, actionnaires et dirigeants qui gèrent l’entreprise. Il définit les objectifs et veille à ce qu’ils soient atteints. Si le conseil d’administration s’appuie sur les codes de gouvernance d’entreprise pour répondre aux attentes de ceux qu’il sert, c’est son leadership qui engendre la dynamique et la gestion essentielles à la croissance et à la prospérité des entreprises individuelles. 

Un conseil d’administration devrait être pourvu de trois qualités essentielles. Dans un premier temps, il doit trouver le juste équilibre entre initiés (ceux qui connaissent bien l’entreprise) et non-initiés (qui peuvent apporter une perspective nouvelle) afin de créer de la valeur ajoutée. Puis, il doit disposer du temps et des moyens nécessaires pour opérer de manière optimale. Enfin, il doit faire preuve d’engagement dans son rôle et ses responsabilités.

En ce sens, le rôle du conseil d’administration est de restreindre les situations difficiles auxquelles les dirigeants d’entreprise sont confrontés au quotidien, telles que l’asymétrie de l’information, la prise de risque excessive, le manque de motivation, la vision à court terme ou l’intérêt personnel.

L’un des moyens les plus efficaces d’y parvenir est de concevoir et d’adopter la bonne structure de responsabilité et de rémunération. Comme je l’ai expliqué en détail dans l’un de mes précédents articles (Comment Encourager le Leadership?), les conseils d’administration doivent concevoir des programmes de rémunération avec des mesures d’incitation financières et des structures contractuelles liées aux fondamentaux à long terme, à la création de valeur et qui présentent un risque important de déchéance. Cela décourage des prises de risque excessives et des décisions motivées par l’intérêt personnel. 

Le scandale des comptes non autorisés de Wells Fargo nous met en garde contre les limites de la gouvernance d’entreprise et le problème d’agence. En 2016, il s’est avéré que des employés de Wells Fargo avaient ouvert des millions de comptes bancaires et de cartes de crédit non autorisés au nom de leurs clients, à leur insu et sans leur consentement. Cette pratique trompeuse était motivée par des quotas de vente et des incitations qui poussaient les employés à atteindre des objectifs irréalistes.

Ce scandale souligne les dangers d’une rémunération liée à la performance. Si les incitations peuvent conduire aux comportements souhaités, elles peuvent également involontairement encourager des comportements non éthiques lorsque les employés ressentent le besoin d’atteindre leurs objectifs à tout prix. Dans ce cas, la pression exercée pour atteindre ces objectifs de vente a conduit à des pratiques frauduleuses qui ont nui aux clients et à la réputation de la banque.

L’affaire Wells Fargo souligne aussi l’importance de la surveillance du conseil d’administration et les défis liés à l’identification de comportements non éthiques au sein des grandes organisations. Ce scandale a révélé une défaillance des contrôles internes et des mécanismes de gouvernance appropriés, car ces pratiques ont perduré pendant des années sans être détectées. Se pose alors la question de l’efficacité du conseil d’administration pour garantir un comportement éthique et la gestion des risques. 

Cet exemple montre que si des stratégies telles que des structures de rémunération et de supervision du conseil d’administration sont importantes, elles ne sont pas suffisantes par elles-mêmes. Bien que les dirigeants soient plus susceptibles de céder à l’appât du gain, un conseil d’administration, en tant que groupe d’individus, est tout aussi sensible à ce risque. Par conséquent, pour limiter le problème d’agence, il est nécessaire de mettre en œuvre d’autres méthodes et d’autres règles en complément d’une bonne structure de rémunération.

En théorie, les actionnaires choisissent leurs administrateurs et les autorisent à diriger la société en leur nom ; le conseil d’administration fixe les objectifs de la société et nomme des dirigeants pour les atteindre. En pratique, les actionnaires de la plupart des entreprises cotées en bourse n’ont guère leur mot à dire sur la nomination des administrateurs. Le manque de sens des responsabilités envers les actionnaires est l’une des premières raisons pour lesquelles de nombreux conseils d’administration n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Il incombe en premier lieu au président de veiller à ce que son conseil d’administration réponde aux attentes légitimes de ses actionnaires. Mais il incombe aux actionnaires de s’assurer que leurs entreprises sont dirigées par des conseils d’administration efficaces et de les rendre responsables de leur performance. 

Ces dernières années, le débat sur les entreprises s’est axé sur l’activisme des actionnaires. Les actionnaires ont pris conscience qu’ils négligeaient de surveiller leurs entreprises. Cela a donné lieu à des campagnes successives visant à éroder la domination des conseils d’administration en convainquant les administrateurs de répondre aux demandes de responsabilité, de transparence et de bonne gestion formulées par les actionnaires. Les performances des conseils d’administration doivent être évaluées au même titre que celles des dirigeants. Aucun conseil d’administration ne peut véritablement remplir ses fonctions (définir l’orientation stratégique de l’entreprise et contrôler le succès de la mise en œuvre de cette stratégie par la direction) sans un système d’autoévaluation. 

L’influence et la détermination des investisseurs institutionnels, en particulier les grands gestionnaires d’actifs, à soutenir les propositions des actionnaires s’accroissent et contribuent à améliorer la responsabilité et la supervision des conseils d’administration. Selon un rapport d’Ernst & Young, 74 % des investisseurs institutionnels ont déclaré avoir augmenté leur implication auprès des entreprises sur les questions de gouvernance. L’accès au vote par procuration, qui permet aux actionnaires de nommer leurs propres candidats aux postes du conseil d’administration dans la déclaration de procuration de l’entreprise, se développe également. Selon un rapport du Conference Board, plus de 70 % des entreprises du S&P 500 ont adopté une forme d’accès au vote par procuration, contre 48 % en 2015. En outre, les agences de conseil en vote comme ISS et Glass Lewis contribuent à encourager et à améliorer les votes des actionnaires sur les questions liées à la rémunération des dirigeants, à la transparence, à la composition et à la responsabilité du conseil d’administration, ainsi qu’à d’autres questions de gouvernance. 

Chez Seilern, la règle est de voter toutes les résolutions des assemblées générales annuelles et extraordinaires de chacune des entreprises dans lesquelles nous sommes investis, y compris les résolutions des actionnaires et les décisions ou mesures prises par les entreprises. Nous estimons avoir un devoir et une obligation fiduciaire d’exercer les droits dont nous disposons en tant qu’actionnaires dans l’intérêt de nos clients. Nous prenons le vote au sérieux ; ceci nous permet d’inciter les conseils d’administration et les équipes de gestion à prendre en compte et à aborder les domaines qui nous préoccupent, de même que les domaines que nous souhaitons soutenir. Nous opérons sur des principes de vote internes et disposons d’un accès aux recherches sur le vote par procuration pour nous aider à évaluer les résolutions et les questions litigieuses. Nous prenons note des recommandations de vote faites par les conseillers, mais nous ne déléguons, ni n’externalisons nos activités de gestion quant à la manière de voter pour les titres tenus par nos clients.

Par exemple, pour l’assemblée générale annuelle 2021 d’Assa Abloy, nous avons voté contre la réélection de tous les membres du conseil d’administration. Cette entreprise adopte une approche groupée pour le vote des administrateurs. Ce n’est pas une bonne pratique, car les actionnaires n’ont pas la possibilité de voter contre un administrateur particulier. Nous avons choisi de voter contre le renouvellement du mandat de tous les administrateurs : nous considérons qu’il s’agit d’une faiblesse dans les pratiques de gouvernance de l’entreprise. Nous avons en particulier estimé que le nombre d’administrateurs réellement indépendants était trop faible et que la composition du comité d’audit et de rémunération n’était pas suffisamment indépendante. 

Assa Abloy est une entreprise qui est en grande partie contrôlée par deux organisations liées (Investment AB Latour et Melker Schorling AB). En raison de sa structure d’actionnariat à double vote, ces deux organisations contrôlent 40,3 % des voix avec 12,6 % du capital social. Si nous avons toute confiance dans la compétence de ces deux organisations, qui ont permis à la société de prospérer et d’atteindre son niveau actuel, nous pensons que les mécanismes de contrôle fournis par les administrateurs indépendants pourraient être améliorés. Le comité d’audit et le comité de rémunération pourraient notamment bénéficier d’une représentation indépendante accrue. Nous avons fait part de nos préoccupations à la société avant l’AGA et avons voté contre la réélection des membres du conseil d’administration.

Si l’activisme actionnarial peut permettre de responsabiliser les conseils d’administration et les dirigeants, ce n’est pas toujours une panacée. Certains détracteurs suggèrent que les actionnaires activistes pourraient privilégier leurs propres gains financiers à court terme plutôt que la santé globale et le succès à long terme de l’entreprise. En outre, un activisme actionnarial excessif pourrait conduire à un processus décisionnel fragmenté, compliquant ainsi la mise en œuvre d’une stratégie cohérente à long terme par l’entreprise. Enfin, s’il est crucial de renforcer la surveillance du conseil d’administration, les sceptiques affirment qu’un conseil trop intrusif pourrait entraver l’autonomie et l’efficacité de la direction. Un conseil d’administration qui remet constamment en question les décisions de la direction peut ralentir le processus de prise de décision et étouffer l’innovation. Il est indispensable de trouver un équilibre entre exercer une surveillance vigilante et donner à la direction la flexibilité requise pour répondre aux conditions dynamiques du marché.

La nécessité d’aligner les intérêts personnels sur le bien commun est, cependant, indéniable. Les dirigeants et les administrateurs d’entreprise ont pour principale mission de guider leurs entreprises vers une prospérité durable. Pour y parvenir, ils doivent surmonter les défis complexes posés par le problème d’agence tout en étant mus par un principe d’intégrité. Mais c’est aux actionnaires qu’incombe la responsabilité ultime. Leur rôle transcende celui de simples investisseurs et s’étend à celui de garants de la création de valeur durable. 

F. León,

31 août 2023


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