• Infolettre

Visa et Mastercard: Repousser Les Menaces

 L’année 2022 a été particulièrement difficile pour les investisseurs, qui ont disposé de peu de possibilités pour se soustraire à la plus rapide hausse des taux d’intérêt de l’histoire des États-Unis.1 Par conséquent, les écarts de performance entre les actions au cours de l’année peuvent s’expliquer pour l’essentiel par leur sensibilité aux taux d’intérêt, en d’autres termes, par la duration de leurs flux financiers. En effet, une société dont les flux de trésorerie sont générés dans un futur éloigné voit la valeur actualisée de ses flux de trésorerie comprimée par des taux d’intérêt plus élevés. Cependant, la duration des flux financiers ne peut expliquer à elle seule la performance d’une action en 2022, et il est intéressant d’observer comment, y compris au sein d’un même secteur, la performance peut varier considérablement selon les acteurs pour un certain nombre de raisons qui dépassent la seule sensibilité aux taux d’intérêt. C’est par exemple le cas du secteur des services de paiement, dans lequel deux de nos titres correspondant à nos plus fortes convictions, Visa et Mastercard, ont affiché des performances solides cette année, contrairement aux secteurs des Fintechs et autres technologies concurrentes.

La grande reprise

Les effets de la pandémie ont varié considérablement d’un secteur à l’autre. Des secteurs tels que le tourisme, l’hôtellerie et la distribution ont été parmi les plus durement touchés, dans la mesure où les consommateurs restaient chez eux et évitaient les déplacements non essentiels. D’autres secteurs, tels que le commerce électronique et les technologies, ont bénéficié d’une hausse de la demande, leurs plateformes étant davantage sollicitées pour l’achat de biens et services. Il n’était donc pas surprenant de voir les Fintechs se porter aussi bien pendant la pandémie, alors que les consommateurs confinés transféraient leurs achats vers les sites en ligne, augmentant ainsi la demande de paiements numériques dans le monde entier. À l’inverse, les sociétés offrant des services de paiement internationaux, telles que Visa et Mastercard, ont souffert de la perte temporaire de leurs activités de paiements internationaux due à la brutale interruption des déplacements à l’étranger. Cela explique en grande partie pourquoi, en 2020, l’indice S&P Kensho Future Payments, composé principalement de sociétés de technologies financières telles que PayPal, Mercadolibre ou Shopify, a progressé de plus de 57 %, quand Visa et Mastercard enregistraient respectivement des performances de 17 % et 20 % sur l’année.

Par contraste, l’année 2022 nous a offert un tableau bien différent. Lorsque la plupart des économies ont décidé d’assouplir les restrictions en février et mars 2022, le commerce électronique a commencé à retrouver des conditions plus conformes à la normale, les consommateurs reprenant leurs habitudes dans les magasins physiques et augmentant les dépenses consacrées aux voyages et à l’hôtellerie. Dans ce revirement de situation, les Fintechs ont été confrontées à une forte décélération, voire une contraction de la demande, entraînant une chute de 34 % de l’indice S&P Kensho Future Payments en 2022. À l’inverse, Visa et Mastercard ont bénéficié de la forte reprise des voyages internationaux, ce qui a permis aux deux entreprises de dépasser les attentes et de relever leurs prévisions en termes de revenus et de marges trimestre après trimestre en 2022, malgré un retrait de la Russie en début d’année. Visa est parvenue à augmenter ses bénéfices de 27 % en 2022, et ceux-ci se situent désormais 38 % au-dessus des niveaux antérieurs à la pandémie de 2019. Mastercard devrait  annoncer une croissance similaire de ses bénéfices lors de la publication de leurs résultats en février 2023. La reprise des voyages internationaux a donc été un moteur solide pour ces titres en 2022, les aidant à ne baisser que de 3 % et 4 % respectivement par rapport à la baisse de 19 % du S&P 500.

Un environnement concurrentiel stable

Si la reprise des voyages internationaux a constitué un réel atout pour Visa et Mastercard, ces titres ont également bénéficié de l’atténuation des pressions concurrentielles. En effet, durant la pandémie, un certain nombre de Fintechs ayant l’ambition de concurrencer Visa et Mastercard ont enregistré une forte croissance, ce qui a alimenté les craintes que les réseaux de paiement perdent des parts de marché au profit de nouveaux acteurs plus attrayants pour les jeunes consommateurs. L’un de ces exemples a été le modèle Buy Now, Pay Later (BNPL). Les entreprises qui proposent des services BNPL offrent aux consommateurs la possibilité de régler plus tard des biens et services achetés en ligne, généralement sans frais initiaux ni intérêts. Ces services attirent les consommateurs qui n’ont pas accès au crédit ou qui ne souhaitent pas recourir à des modalités traditionnelles de prêt. Les principaux acteurs du BNPL, tels qu’Affirm, Afterpay ou Klarna, ont connu un essor spectaculaire de leur activité pendant la pandémie, et des analystes ont dès lors commencé à anticiper une croissance exponentielle. Compte tenu de la hausse régulière de l’inflation tout au long de 2022, les analystes s’inquiètent désormais de la capacité des consommateurs à maintenir les  dépenses consacrées aux achats de biens discrétionnaires. Les relèvements marqués des taux d’intérêt aux États-Unis et en Europe sont désormais largement considérés comme pouvant déboucher sur des récessions qui vont réduire les dépenses de consommation, et potentiellement augmenter les créances irrécouvrables des fournisseurs de services BNPL. La hausse des taux d’intérêt suppose également une augmentation des coûts de l’endettement pour les acteurs du BNPL qui tendent à avoir des niveaux élevés de dette dans leurs bilans. En conséquence, les cours des actions des principaux acteurs du BNPL ont enregistré de fortes baisses en 2022, l’action d’Affirm ayant cédé 90 % de sa valeur tandis que celle de Block (anciennement Square, qui a fusionné avec Afterpay en février 2022) reculait de 61 %.

Une autre innovation financière depuis longtemps mise en avant comme un concurrent potentiel des réseaux de paiement est la classe d’actifs controversée des cryptomonnaies. Par le passé, nous avons déjà détaillé les limitations du Bitcoin, qui en font un système de paiement lent et onéreux, peu susceptible de rivaliser avec Visa et Mastercard (HORS D’ÉCHELLE). Néanmoins, lorsque le secteur était à son apogée, en novembre 2021, de nombreux partisans des cryptomonnaies considéraient que la finance décentralisée était l’avenir des services de paiement. Depuis, la capitalisation boursière des cryptomonnaies a perdu plus de 2 000 milliards de dollars et est actuellement évaluée à 800 milliards de dollars environ. L’effondrement de TerraUSD, troisième plus grande « stablecoin » mondiale (cryptomonnaie adossée à une valeur refuge « stable ») et la récente faillite de la plateforme de change de cryptomonnaies FTX, un acteur de premier rang, ont conduit de nombreux investisseurs à exiger davantage de réglementation dans ce secteur. Si la blockchain reste une technologie intéressante, nous pensons qu’il est peu probable que les paiements puissent en être la meilleure application.

Alors que ces différentes technologies sont confrontées à leurs propres défis, Visa et Mastercard continuent de gagner des parts de marché au détriment des paiements en espèces et par chèque et s’associent avec des Fintechs dans le monde entier pour consolider leurs réseaux.

Un modèle économique résilient

Le dernier atout de Visa et Mastercard au cours de 2022 a tenu à la résilience de leurs modèles économiques face à l’inflation persistante et au ralentissement économique. En effet, comme nous l’avons souligné à de nombreuses reprises cette année dans notre série de newsletters sur l’inflation2, nous pensons que les entreprises disposant d’un fort pouvoir de fixation des prix, de marges d’exploitation élevées et d’une faible intensité de capitaux sont les mieux placées pour protéger la valeur de leurs flux de trésorerie en période d’inflation. Visa et Mastercard réunissent incontestablement toutes ces caractéristiques. Leurs dépenses d’investissement ont représenté respectivement 3 % et 4 % de leur chiffre d’affaires net au cours des cinq dernières années. La marge d’exploitation publiée par Visa, égale à 64 %, est actuellement la plus élevée de l’indice S&P 500, tandis que celle de Mastercard, qui atteint 53 %, situe confortablement l’entreprise parmi les 10 premières. Enfin, les deux tiers de leurs revenus sont variables et liés aux prix payés par les consommateurs, ce qui signifie que l’inflation profite directement aux revenus de Visa et Mastercard. Ces caractéristiques, associées à la reprise des paiements transfrontaliers, ont permis aux deux entreprises d’enregistrer en 2022 des marges d’exploitation record, dépassant les plus hauts historiques atteints en 2019.

Quant à anticiper le comportement des réseaux mondiaux de paiement en cas de récession, il est plus difficile de se prononcer. En effet, les revenus de Visa et Mastercard sont liés aux dépenses de consommation des ménages, et une contraction économique aurait certainement des retombées négatives sur leur chiffre d’affaires. Si nous examinons les taux de croissance historiques de ces entreprises, toutes deux ont vu leur chiffre d’affaires net progresser selon un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 11 % au cours des 10 dernières années. Durant la même période, les      dépenses de consommation des ménages ont progressé selon un TCAC d’environ 4 %, et l’on estime que la pénétration croissante des cartes a ajouté 4 à 5 points de pourcentage à la croissance3. Pour Mastercard, le reste de la croissance est issu de la progression de ses activités de services, des gains de parts de marché au détriment de réseaux concurrents et de l’exposition à des pays à croissance rapide en Europe et en Asie. Pour Visa, le reste de la croissance s’explique pour l’essentiel par l’acquisition de Visa Europe en 2015 et la création d’une activité de données destinée à rivaliser avec celle de Mastercard.

Pour l’avenir, nous estimons que la croissance des dépenses de consommation des ménages devrait contribuer à environ la moitié de la croissance de Visa et à environ 40 % de celle de Mastercard au cours des cinq prochaines années. Cela nous permet de modéliser différents scénarios. Tout d’abord, dans le cas d’un « atterrissage en douceur » des économies, les dépenses de consommation des ménages ralentiraient, voire stagneraient. Dans ce scénario, nous anticipons que la croissance de Visa et Mastercard se maintiendrait dans une plage de 5 à 7 %, grâce à la solidité de leur moteur de croissance structurelle sous-jacent, à savoir la pénétration continue des cartes et la progression des services auxiliaires et des nouveaux canaux B2B. Dans le cas d’une récession plus profonde, les dépenses de consommation des ménages pourraient se contracter comme en 2009, lorsqu’elles avaient affiché un recul de 4 % entre 2007 et 2009, avant de se rétablir pleinement fin 2012.4 Dans ce scénario, la reduction des dépenses de consommation des ménages réduirait la croissance de Visa et Mastercard de plusieurs points mais leur croissance pourrait rester positive, entre 2 % et 4 % par an, grâce aux facteurs déjà mentionnés. Enfin, dans le pire scénario, celui d’une longue période de stagflation semblable à celle observée aux États-Unis dans les années 1970, Visa et Mastercard bénéficieraient de fait de la croissance nominale des dépenses de consommation des ménages, ce qui permettrait de compenser la contraction de ces dépenses en termes réels.

Conclusion

Visa et Mastercard, qui sont cotées en bourse depuis 14 ans, sont présentes dans l’Univers de Seilern depuis presque autant d’années. Tout au long de cette période, un certain nombre de menaces ont fréquemment inquiété les investisseurs, comme l’Amendement Durbin sur les commissions bancaires en 2011, l’arrivée des Bigtech sur le marché des paiements en 2015, le nationalisme gouvernemental en 2017 ou l’essor des Fintechs en 2019 et bien sûr, plus récemment, les menaces liées au modèle BNPL et aux cryptomonnaies en 2020 et 2021. Ces risques ont souvent conduit à des périodes de sous-performance et, bien que nous ayons pris au sérieux chacune de ces menaces, nos recherches suggéraient que les réseaux pourraient surmonter ces événements perturbateurs et transformer certains de ces défis en atouts. L’exemple de Visa et Mastercard nous rappelle l’importance de mener des recherches internes, d’ignorer prudemment le bruit informationnel et de laisser les résultats tirer le cours des actions sur le long terme.

C. Massin,

Le 30 Decembre 2022

Toutes les prévisions, opinions, objectifs, stratégies, perspectives et/ou estimations et attentes ou autres commentaires non historiques contenus dans le présent document ou exprimés dans ce document sont basés sur les prévisions, opinions et/ou estimations et attentes actuelles uniquement, et sont considérés comme des « énoncés prospectifs » . Les énoncés prospectifs sont assujettis à des risques et à des incertitudes qui peuvent faire en sorte que les résultats futurs réels soient différents des attentes. Les opinions, prévisions, opinions et/ou estimations et attentes émises dans ce document reflètent le meilleur jugement de Seilern Investment Management Ltd à la date de publication de cette communication et sont susceptibles de changer. Aucune responsabilité ou obligation ne sera acceptée pour modifier, corriger ou mettre à jour toute information ou prévision, opinion et/ou estimation et attente contenue dans le présent document.

Veuillez noter que les performances passées ne doivent pas être considérées comme une indication des performances futures. Tout instrument financier inclus dans ce site Web doit être considéré comme à haut risque et les investisseurs risquent de ne pas récupérer la totalité de leur investissement initial. La valeur de tout investissement et/ou instrument financier inclus dans ce site Web et les revenus qui en découlent peuvent fluctuer et vous risquez de pas récupérer le montant initialement investi. En outre, les fluctuations des marchés boursiers et les fluctuations des marchés des changes peuvent également affecter la valeur des investissements.

Recevez les dernières informations et événements directement dans votre boîte de réception

« * » indique les champs nécessaires

En cliquant sur le bouton, vous confirmez que vous acceptez la Politique de Confidentialité suivante

Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.

Dernières informations

Quel type d'investisseur êtes-vous ?